Souvenir d'enfance

Jacqueline Brousseau,
est fille de Martin Vinerier, dit « Lucien », lui-même frère de Henri, père de Michel Vinerier
qui habite dans le bourg ....

     Je me souviens ...que j'allais à l'école à pieds. Nous habitions à la Lande, où je suis née, en 1931.

     À cette époque, on avait 6 ans quand on allait à l'école pour la première fois. J'allais dans la petite classe ; je me souviens de mademoiselle Portejoix, qui avait été remplacée par Mademoiselle Pelladeau. Nous étions 20 environ.

     Je portais une blouse noire, celle qu'avaient déjà portée mes frères, qui se boutonnait par derrière. Les blouses étaient en coton ordinaire ou en satinette quelquefois, pour les filles, et pour elles, elles se boutonnaient par devant, sur le coté gauche. Les blouses chics avaient des plis ; je vois encore celle de la petite Barranger. Elles ne servaient que pour l'école et nous les retirions en arrivant à la maison.
     Nous avions des galoches, cloutées auxquelles il fallait souvent remettre des clous : nous nous amusions à glisser sur la glace. Les routes n'étaient pas goudronnées - le goudron n'est apparu qu'en 55, - l'eau restait dans les creux, il n'y avait pas les fossés comme aujourd'hui et il a gelé dur dans les années 40 – 41.
     Nous avions un cartable, en tissu, très simple, marron, un plumier – ma grand-mère m'en avait payé un beau-, une plume, un porte-plume, un crayon de bois, des crayons de couleur et une gomme. Nous écrivions à l'encre violette .La maîtresse en remplissait les encriers en verre au coin des tables, à partir d'une bouteille.
     L'hiver, nous avions des bas, noirs, en coton, et des jarretelles, qui tenait sur le corset. Il fallait porter cela pour avoir chaud et pour être « bien maintenue ». Je me souviens des jarretelles trop larges, cela m'agaçait et cela se décrochait tout le temps ...on portait très jeunes des corsets, dès que l'on allait à l'école, à 6 ans, les soutiens gorges par contre, pas avant 16 ou 18 ans .Et pour nous protéger du froid nous avions une chemise de laine par dessus l'autre et des gilets. Tout cela était bien raide.
     L'hiver, quand il tombait de la neige par exemple, nous portions une grande cape noire avec une capuche. Et des cache-nez, rouges ou bleus, les garçons avaient des bonnets ... nous aussi, sans doute.
     L'été nous avions des chaussettes. Ma grand-mère nous faisait des chemises et des culottes, le tout en coton. Nous avions une robe, souvent en tissu écossais. Le dimanche nous en avions une plus belle et un chapeau.Je n'ai pas un bon souvenir des chapeaux du dimanche, j'en avais un beige et un rouge foncé...
     J'avais les cheveux courts, tenus par un bandeau, d'autres les maintenaient sur le coté avec de longues barrettes, certaines avaient des couettes.

     Les hommes portaient la vareuse noire et un paletot plaqué au corps avec deux poches cousues, de velours l'hiver et l'été de coton côtelé gris foncé, marron ou noir. On lavait cela une fois par an. En dessous une chemise sur une flanelle et une grande ceinture de flanelle ; l'hiver des caleçons en coton mais l'été la grande chemise était suffisante. Les slips ne sont apparus qu'après la guerre. Ils avaient des sabots cloutés, certains tout en bois d’autres, plus confortables, avec une large bande de cuir au coup de pied. Tout cela était toujours bien ciré.
     Le dimanche, ils mettaient des brodequins et les femmes des bottines à lacets. Les grands mères étaient en coiffe, le dimanche, sinon tout en noire, rarement avec de petites fleurs. Elles avaient deux jupons, froncés, et des corsages qui les tenaient bien serrées (pour les jeunes un peu moins) et bien sûr des corsets. Il n'y avait pas de grandes différences avec leurs filles, tout était noir ou gris.

     Je me souviens que jusqu'en 54, comme chauffage, il n'y avait que la cheminée ; avec plusieurs marmites, une grande pour la soupe, une plus petite pour l'eau – elle ne servait qu'à ça- et une toute petite pour le café, qu'on faisait à la turque, en jetant dedans le café et la chicorée pour filtrer le tout ensuite. On n'allumait la cuisinière que l'hiver ; elle servait à nous chauffer.
     Tout à coté de la cheminée, il y avait le cagnard ; on y mettait des braises et il tenait les plats au chaud. Au dessus, c'était les assiettes et les plats. Pour faire la vaisselle, on se mettait par terre, sur un sac de jute – il y en avait beaucoup en ce temps-là. On se mettait à genoux et on laissait la vaisselle s'égoutter sur les sacs avant de l’essuyer.

     J'ai l'impression qu'on se lavait dans une bassine en zinc ; on allait chercher l'eau à la pompe .On se lavait avec du savon de Marseille et je me souviens que ça laissait les cheveux gras, ils ne brillaient pas. (On a eu de la brillantine à la fin de la guerre). On se lavait les cheveux toutes les semaines ; l'odeur des vaches les imprégnait.
     Je me souviens que le dimanche, on allait aux vêpres et que ma grand mère, qui avait trait les vaches avant, se frictionnait les mains, sur le chemin, avec les herbes odorantes qu'elles trouvait, pour cacher un peu l'odeur des bêtes ...C'était le dimanche tantôt que mon père se lavait, dehors, à la pompe et on se changeait de tout, ce jour là. On se lavait par petits bouts, une fois par semaine, Nous les filles, plus souvent.
     Nous avions de l'eau de Cologne, pour sortir...

     Et nous allions partout, à pieds, toujours ....